Si Kimiko n’avait pas d’ennemies attitrées au sein de Saint-Miatre, on ne pouvait pas non plus qu’elle faisait partie d’un groupe particulier de résidente. Il faut dire qu’elle se comportait d’une manière qui différait beaucoup des autres élèves de première année : plus mature, elle ne se mêlait pas aux gamineries des autres, en particulier en ce qui concernait les « guerres » entre les trois écoles. D’une famille plus ancestrale, certaines étaient trop jalouses d’elle pour l’accepter. Trop modeste, les jeunes filles se pavanant d’une richesse pour laquelle elles n’ont jamais œuvrées la méprisait. Aussi n’était-il pas étonnant de voir périodiquement Kimiko arriver seule au réfectoire, et venir s’installer à une table où une place était libre, engageant régulièrement la conversation avec d’autres élèves, généralement plus âgées qu’elle. Et ce repas ne semblait pas devoir faire exception, si ce n’est qu’au moment de son arrivée, toutes les tables occupées étaient déjà pleines. C’est pourquoi Kimiko finit par s’installer seule à une des tables du réfectoire. Sans doute finirait-elle par avoir de la compagnie, à un moment ou à un autre.
En attendant, Kimiko, après s'être servie les plats du jour en petite quantité, s'était installée près d'une des baies vitrées qui donnait sur les jardins. Elle aimait beaucoup ce décorum, surtout le soir, lorsque les lumières qui éclairaient l'extérieur repeignait le paysage selon une gamme de bleu nuit. Ce spectacle lui rappelle toujours celui qu'elle pouvait observer le soir, dans la salle à manger, les nombreuses fois où elle mangeait seule alors qu'elle était encore chez elle.