Ebisu avait été prévenue qu’une fille allait désormais partager sa chambre. Et de ce fait, voilà depuis déjà deux bonnes heures qu’elle était restée dans sa chambre afin de rencontrer cette dite fille. Si elle osait se montrer un jour. Ça l’arrangeait, elle avait marre de passer ses nuits seules. Le calme de la pièce commençait à devenir étouffant. Chez elle, avant, elle ne dormait jamais seule. Avec ses cousins et cousines, ils partageaient une sorte de dortoir. Tous les soirs, l’ambiance était assurée et c’était très facile de trouver le sommeil, en calant sa respiration au rythme des autres. C’était comme s’ils ne formaient plus qu’une personne. La Spicoise avait toujours su apprécier ça.  

Néanmoins, même si elle était heureuse de savoir qu’elle allait avoir une camarade de chambre, l’attente commençait à devenir longue. Elle qui aurait pu aller s’amuser en dehors de ces quatre murs, voilà qu’elle s’ennuyait à mourir sur son lit, le regard rivé au plafond. Oh mais, de toute façon, qu’est-ce que ça pouvait faire qu’elle soit là pour l’accueillir ou pas ? Après tout, ce n’était pas obligatoire. Bon, dans tous les cas, ça n’aurait rien changé en fait. Tant pis, elle la rencontrerait ce soir, elle en avait marre de perdre son temps.

C’est donc avec l’idée de quitter la chambre qu’elle se leva en vitesse de son lit et qu’elle s’approcha de la porte. Elle fut vite coupée dans son élan lorsque l’on frappa à la porte. Haussant un sourcil, elle se demanda si c’était sa colocataire. Si c’était le cas, elle avait un très bon timing. Elle ouvrir donc la porte afin de découvrir une jeune fille blonde qui se tenait devant elle en souriant. Cheveux blonds attachés à l’aide d’un ruban rouge, des yeux bleus, un corps à première vu bien entretenu, elle ressemblait presque au stéréotype de la blonde à forte poitrine. Elle lui tendit la main en se présentant et Ebisu ne tarda pas à lui serrer avant de la laisser entrer.

«  - Franchement, je commençais à croire que tu ne viendrais pas commença-t-elle. J’étais sur le point d’aller me dégourdir les jambes, on peut dire que tu es bien tombée. »

Refermant la porte, elle s’approcha de son lit avant de s’y laisser tomber à nouveau. Maintenant que l’autre Spicoise était arrivée, elle allait enfin pouvoir s’occuper. Ses yeux se reportèrent sur cette dernière tandis qu’elle déposait sa valise près de son lit. Et, comme d’habitude, un sourire moqueur se dessina sur ses lèvres, comme une alerte pour ce qui allait suivre.

« - Fais comme chez toi blondinette. Au fait, je suis Ebisu Taishi, en cinquième année. Tu es nouvelle donc ? »

La Spicoise n’avait pas vraiment fait attention aux excuses de sa camarade, jugeant qu’elles étaient inutiles. Pourquoi s’excuser alors que ce n’était pas de sa faute ? La politesse exigeait vraiment des choses stupides. A l’entente du diminutif que la blonde venait de lui attribuer, elle haussa un sourcil, légèrement surprise. C’était bien la première à l’appeler comme ça, d’autant plus qu’elles venaient tout juste de se rencontrer. Cette fille faisait-elle donc fi des convenances ? Si c’était le cas, elles avaient déjà un point en commun.

Elle écouta sa précédente mésaventure avec attention, non sans un sourire moqueur devant le ridicule de cette situation. Visiblement, les querelles entre colocataires étaient réglées sans vraiment essayer de comprendre les véritables raisons. Et bien, elles sont belles les servantes de Dieu hein !

« - C’est pas toujours facile de partager son espace personnel avec quelqu’un d’autre. Faut savoir s’adapter aux défauts des autres. Un peu abusif la bonne sœur sur ce coup là quand même constata-t-elle en s’appuyant au mur collé à son lit, les jambes repliées. Me refroidir ? Il m’en faut beaucoup plus, ou même pas du tout. Je suis certainement pire que toi. »

Et pour appuyer ses propos, elle lui adressa un clin d’œil complice. Bien qu’elle n’ait jamais eu de problèmes avec ses cousins et cousines puisqu’ils partageaient la même chambre, elle s’était déjà énervée maintes et maintes fois contre quelqu’un, faisant d’elle une véritable peste. Plutôt impulsive, elle n’hésite pas à répliquer lorsqu’une remarque la blesse de trop perte. Au début, elle prend le ton de la rigolade mais ses paroles se retrouvent vite envenimées. Et ces altercations verbales finissaient généralement en bagarre, ou même en duel sportif. Ebisu préférait la deuxième solution, ne souhaitant pas se comporter comme un animal. D’ailleurs, même si son adversaire en venait aux poings comme un gorille, la jeune fille aux cheveux roses continuait ses attaques verbales tout en se défendant. Elle ne se rabaisserait jamais aux niveaux de primates pareils, elle avait beaucoup trop de fierté pour ça. Mais ça, seule elle le comprenait.

« - Je suis contente de ne plus me retrouver seule dans cette chambre en tout cas. C’est tellement ennuyant ! »

Rien qu’en y pensant, elle lâcha un bâillement avant de s’étirer de tout son long. Elle attrapa ensuite son coussin avant de le peloter, chose dont elle avait l’habitude depuis toute jeune. En fait, elle aimait occuper ses mains, de n’importe quelle façon. N’allez pas imaginer des choses étranges, pour une fois qu’il n’y avait pas de sous-entendus. Quoique…

« - Alors blondie, qu’est-ce que tu fais pour t’occuper d’habitude ? Et tu es dans quel club ? »

La danse ? Une discipline que la jeune fille aux cheveux roses n’avait jamais pratiqué. Bien qu’élégante à sa manière, elle ne se voyait pas pratiquer une telle activité toute la journée. Les arts martiaux la comblaient trop pour ça. Néanmoins, elle avait déjà assisté à des spectacles de danse en tout genre et avait su apprécier. C’était comme voir une pièce de théâtre sauf que les danseurs ne parlaient pas et se contentaient de suivre la musique, reflétant leur histoire dans leurs pas.

« - Et bien, je me suis inscrite au club de natation, étant excellente dans ce sport raconta-t-elle. Mais je suis plus douée en arts martiaux, c’est d’ailleurs ce que je préfère en matière de sport. Pour ce qui est de mon temps libre… Je le passe souvent à faire des bêtises ou à flâner. Il m’arrive parfois de me mettre à faire quelques croquis, quand l’inspiration est présente. »

Depuis qu’elle était à Astrea, elle avait passé plus de temps à dessiner qu’à l’accoutumé. Il fallait dire que l’ennui était très présent entre ces quatre murs lorsqu’elle ne croisait pas de visages familiers alors, elle se devait de se trouver une occupation, outre de rendre la vie impossible aux bonnes sœurs et aux professeurs. Les différents croquis, terminés ou non, s’étaient accumulés sur son bureau, se mélangeant à ses feuilles de cours. Il faudrait peut-être qu’elle se mette à ranger un de ces jours.

Suivant ses pensées, ses yeux avaient virés sur le meuble en bois mais ils revinrent rapidement sur la jeune blonde qui lui souriait. Elle l’imagina un instant en train de reproduire avec aisance quelques pas de danse et cela amena une idée à germer dans son esprit.

« - Tu pourrais me montrer quelques pas de danse ? Histoire de voir comment tu te débrouille. »

Un petit show privé ne la dérangerait pas le moins du monde mais elle était également curieuse de voir en quoi consistait réellement la danse moderne. Certes, elle n’avait pas de musique, ou plutôt n’avait pas les moyens pour, mais après tout, ce n’était pas indispensable. S’allongeant sur le ventre, l’oreiller calé sous son menton, elle ne lâcha pas des yeux sa nouvelle camarade de chambre.

La blonde sembla réfléchir un instant à la question de sa camarade de chambre, laissant ses yeux couvrir la chambre. Ebisu comprit rapidement qu’elle craignait manquer de place mais après tout, il fallait savoir s’adapter à toutes les situations, non ? D’autant plus qu’elle n’avait pas le courage de déplacer les meubles. Ainsi, la cinquième année alla fouiller dans son sac pour en sortir son téléphone portable et commença à pianoter dessus. Ce n’était pas sensé être interdit ici ? Elle n’avait quand même pas imaginé avoir vu ça sur le règlement. Comment s’était-elle débrouillée pour réussir à le garder ? Même elle n’avait pas pu le cacher, ces bonnes sœurs étaient impitoyables et avaient des rayons X à la place des yeux. Manquerait plus qu’elles crachent du feu.  

Néanmoins, la jeune fille aux cheveux roses oublia rapidement ses questions lorsque sa nouvelle colocataire prit place au centre de la pièce, entre les deux lits, et qu’une chanson qu’elle connaissait commença à embellir la pièce. Un rythme entraînant, de ceux qu’elle avait l’habitude d’écouter, mais elle n’arrivait pas à mettre le doigt sur le titre. Elle suivit le rythme en tapant des pieds et laissa la blonde commencer ses mouvements de danse. Cela ressemblait légèrement à ce qu’elle avait pu voir jusqu’à lors mais certains lui rappelaient quelques techniques qu’elle avait appris en arts martiaux. En fait, ce qu’elle lui montrait était visiblement un mixe de plusieurs genres de danses, tout en gardant une certaine harmonie. C’était agréable à voir, elle enchaînait les mouvements avec aisance, grâce et punch. Après ça, Ebisu ne pouvait que dire qu’elle se débrouillait bien.

Au bout de quelques minutes, elle s’immobilisa, légèrement essoufflée. Elle se tourna donc vers sa camarade pour lui demander ce qu’elle en avait pensé, et de lui montrer quelques croquis par la même occasion. La Spicoise sourit en imaginant sa tête face à certains de ces croquis. Il y en avait qui étaient ridicules, sans réel sens, tandis que d’autres avaient le don de mettre mal à l’aise.

« - J’ai bien aimé, tu te débrouille bien. Et le style était assez original aussi, ça change. »

Sur ce elle, elle se redressa pour s’extirper de son lit et se diriger vers son bureau, où ses dessins étaient rangés en vrac dans une pochette bien abîmée. Elle pouvait la changer mais étrangement, les déchirures et les bouts encornés lui donnaient un certain charme. Et puis, ça montrait qu’elle était souvent utilisée. Ouvrant la dite pochette, elle feuilleta un instant son contenu. A la vue des croquis, elle ne put s’empêcher de sourire en se remémorant les moments où elle les avait dessiné et les raisons. D’un geste de la main, elle fit signe à la blonde d’approcher. Elle sélectionna ensuite un dessin qui représentait un jouet pour enfant, abîmé par l’âge.

« - J’étais montée dans le grenier et j’avais découvert des cartons qui renfermaient tout un tas de vieilles babioles commença-t-elle à expliquer. Et parmi elles, j’ai trouvé ce vieux jouet que j’avais quand j’étais gamine. En y réfléchissant, je ne savais même pas comment je pouvais m’amuser avec ça. Je me suis dis qu’il finirait par aller à la casse alors je l’ai dessiné, toujours dans le grenier. »

C’était ridicule. Elle n’était pas du genre à être sentimentale mais sur le coup, elle s’était sentie obliger de le faire. Le passé à certainement son importance. Elle tomba sur un autre croquis, qui représentait cette fois un couché de soleil en bord de mer. Une vue des plus classiques mais ce jour là avait été un des rares où elle s’était éloignée de chez elle pour voir un autre paysage.

« - On était en été. J’avais supplié mes parents pour qu’ils m’emmènent à la plage et ils avaient finit par céder. C’était la première fois que je mettais les pieds dans le sable chaud. Je devais avoir douze ans. Et la dernière chose que j’ai vu de cette journée, c’était ça, alors je l’ai dessiné. »

Un autre croquis se distingua des autres. Il montrait une manette dont le fil était horriblement emmêlé. Cette vue fit rire la jeune fille aux cheveux roses, qui se rappelait aisément le temps fou qu’elle avait mit à tout démêler.

« - Bon ça euh… Sans commentaires on va dire pouffa-t-elle en le rangeant avec les autres. »

Le dessin suivant lui fit avoir un énorme sourire. Une adolescente en sous-vêtements, avec une longue chevelure sombre, se tenait au centre de la feuille, allongée dans un lit, dans une posture des plus aguicheuses. Ebisu coula un regard vers sa colocataire afin de jauger sa réaction, un sourire moqueur aux lèvres, se délectant déjà de ce qui allait suivre.

« - Elle, s’était une de mes ex. Elle était magnifique et c’était une vraie pro au lit. Je n’étais pas vraiment amoureuse d’elle, j’avais simplement envie d’elle. On s’était mises en couple pour la forme mais seule la luxure nous intéressait. C’était bien la seule fois où j’ai couché avec une fille sans avoir de sentiments pour elle. Cette nuit là, on s’apprêtait à le faire, comme à chaque fois, mais quand elle s’est tenue comme ça, devant moi, je n’ai pas pu m’empêcher de sortir mon crayon. Elle dégageait tellement de passion, de désir, il fallait que j’immortalise ça. »

Elle en avait peut-être plus raconté que ce qu’elle voulait mais les souvenir avaient refait surface au fil de son récit, déliant ainsi sa langue. Elle ressentait presque les mains de cette fille sur son corps et ses soupirs à son oreiller. Frissonnant, elle rangea rapidement le croquis pour en sortir un autre où un chien s’y tenait, la langue pendouillant et le regard pétillant.

« - Un chien errant. Ça n’avait pas été facile de le dessiner, il bougeait sans arrêt commenta-t-elle avec un soupir las. »

En y regardant de plus près, ses coups de crayon étaient tous les mêmes. Les contours étaient barbouillés, donnant une impression de mouvement mais rien n’était agressif ou trop appuyé. Ca ne représentait pas vraiment d’émotions, seulement la chose en elle-même. Mais elle s’en fichait, du moment que ses souvenirs étaient là. Elle décala la pochette vers la blonde qui se tenait près d’elle avant de poser sur regard sur elle.

« - Si tu veux, tu peux en regarde d’autres. »

Après s’être attardée quelques secondes de plus sur les dessins qui dépassaient de la pochette, elle finit par me complimenter sur ces derniers mais porta rapidement son attention sur sa valise encore remplie. Docilement, je l’observais faire, m’adossant sur mon bureau en m’appuyant dessus à l’aide de mes bras, les jambes croisées. Apparemment, elle avait emporté pas mal de choses mais cela ne restait que le strict minimum. Elle n’en aurait pas pour longtemps à mettre tout ça à sa place. Et chose dite, chose faite. En quelques minutes, son bagage se retrouva vide et elle avait investit rapidement son côté de la chambre. Elle se laissa tomber sur son lit en lâchant un soupir, visiblement contente de s’être débarrassée de cette tâche ingrate. Contrairement à elle, la jeune fille aux cheveux roses avait mit au moins deux jours pour vider totalement sa valise et ainsi ranger tous ses effets personnels. Disons qu’elle s’était vite laisser distraire par n’importe quoi et que la fainéantise l’avait emporté sur tout le reste.

La blonde se redressa pour lui faire face et sa question arriva aux oreilles d’Ebisu. Une question qui lui rappela rapidement les nombreuses discussions qu’elle avait eues avec ses parents et d’autres membres de sa famille à ce sujet.

« - Mes parents l’ont fait pour moi expliqua-t-elle dans un soupir las et en glissant sa main dans ses cheveux. Ils voulaient à tout prix que je me lance dans une école prestigieuse d’art, pour devenir le nouveau Picasso mais je leur ai vite fait comprendre que ça ne m’intéressait pas. Je n’ai pas envie de dessiner pour les autres, ni même de comparer mes croquis et tout ce que cela implique. C’est seulement pour moi, point barre. »

Tournant la tête, elle observa un moment la forêt entourant la résidence à travers la fenêtre. Elle ne comprenait pas pourquoi il fallait absolument exploiter tel ou tel talent. Et le plaisir dans tout ça ? En faire son métier serait un véritable gâchis, ce serait perdre cette petite étincelle qui faisait que la chose était unique. Sinon, ça deviendrait un simple marché, avec pour simple valeur l’argent. A vomir. Finalement, elle reporta son attention sur sa camarade.

« - Et toi, c’est juste une passion ou tu comptes aller plus loin ? »

Elle était curieuse de savoir quel point de vu partageait Setsuna à ce sujet. Elle pouvait bien avoir un avis qui diffère du sien, cela ne poserait pas de problème. Après tout, chacun était différent et elle était l’une des premières à le savoir.

Setsuna exposa donc son point de vue sur la question, visiblement indécise. Était-ce parce que la jeune fille aux cheveux roses venait de lui faire part du sien qu'elle se retrouvait à douter ou l'était-elle depuis un moment ? Ebisu ne voulait certainement pas que son choix puisse l'influencer. Après tout, c'était sa vie, pas la sienne.

« - Ne te décide pas sur un coup de tête, et ne pense pas que mon choix devrait être également le tien précisa-t-elle. Sinon, tu risques de le regretter toute ta vie. »

Elle préférait que les choses soient bien clairs, afin qu'il n'y ait pas de problème par la suite. La Spicoise ne comprenait pas vraiment comment on pouvait se retrouver influencer par l'avis des autres. Depuis toujours, elle s'était efforcée de suivre ce en quoi elle croyait, ce qu'elle voulait, et de ne pas laisser les autres interférer dans ses avis personnels. C'était difficile, évidemment, parce que les parents, les amis et les professeurs finissaient toujours par s'en mêler. Mais si ce n'était pas notre choix, qui serait le capitaine à bord ?

En tout cas, les parents de la blonde avaient des projets en ce qui la concernait d'après ce qu'elle avait dit. Et qu’elle ne le souhaitait absolument pas. Une situation identique en somme. Décidément, les parents voulaient à tout prix que leurs enfants correspondent à leurs propres désirs. C’est cruel. Ebisu accueillit les paroles de sa camarade avec un sourire, lui montrant qu’elle avait également l’intention de continuer sur cette bonne voie. Il n’y avait pas de raison pour qu’elles ne s’entendent pas après tout.

C’est avec un sourire que la jeune fille aux cheveux roses accueillit la question de sa nouvelle colocataire.  Elle était bien curieuse et généralement, ce genre de question n’était pas poser en toute innocence. Voilà qu’elles abordaient un sujet bien intéressant. Sans se départir de son sourire, qui devenait aguicheur, Ebisu prit la parole.

« - J’aime les filles. Ou plutôt, je les adore. Bref, tu m’as comprise je pense. Et crois-moi, si tu décidais de me juger sur mon orientation sexuelle, ça ne se passerait pas bien entre nous. »

Une façon détournée de lui montrer à qu’elle point elle haïssait les personnes jugeant simplement sur ce fait. On pouvait les qualifier de beaucoup de noms mais pour la Spicoise, c’était tous des attardés. Néanmoins, elle sentait que sa camarade n’était pas de ce bord là mais plutôt du sien. Comme elle l’avait dit, ce genre de demande n’était jamais fait par simple curiosité. Elle allait donc pouvoir s’amuser. Elle se décolla du bureau, prenant ainsi appui sur ses jambes et comblant légèrement l’espace qui la séparait de la blonde. Les mains sur les hanches, éternel sourire aux lèvres.

« - Intéressée ? souffla-t-elle. »

Elle s’amusait de la situation. Les jeux de séduction, elle les avait toujours apprécié, même sans jamais dépasser un certain cap. Pour certains, c’était nécessaire. Néanmoins, quelque chose clochait à cet instant. Quelque chose de dérangeant. Comme si elle ne devrait pas continuer sur cette voie. Ou qu’elle ne voulait pas. Bref, elle n’arrivait pas à mettre la main dessus. Et étrangement, elle se remémora un instant sa rencontre avec une brune, qu’elle n’avait pas vu depuis quelques jours déjà. Depuis quand se sentait-elle gênée durant ses petits jeux ?

Apparemment, elle avait décidé de rentrer dans le jeu vu son sourire et la réplique qu'elle venait de lancer. Voilà qui s'annonçait bien. Le sourire de la Spicoise s'agrandit, d'autant plus face au compliment que venait de lui offrir sa camarade. Evidemment, elle se savait doter d'un certain charme, sans pour autant qu'elle soit complètement à tomber. Pour elle, ce n'était pas vraiment son physique qui jouait mais plus son attitude. Elle savait se tenir comme il le fallait et adopter le regard adéquat pour attirer l'attention des autres, ou plus particulièrement des filles. Mais ses cheveux à la couleur spéciale lui donnait certainement un petit plus.

Croisant les bras, elle toisa la blonde sans se départir de son sourire. Le malaise était toujours là mais elle décida de l'ignorer, ne voulant pas s'en préoccuper. Elle voulait s'amuser, juste un peu.

« - Ça se pourrait bien déclara-t-elle en haussant les épaules, feignant l'ignorance. Tu n'es pas mal non plus tu sais. »

Elle se pencha vers elle, comblant de nouveau quelques millimètres, et elle put sentir son parfum, étant au niveau de son cou. Elle connaissait bien le corps féminin et savait comment faire flancher son adversaire quand il le fallait. Chaque points sensibles, bien que certaines en aient des particuliers. Elle laissa donc son souffle glisser sur le cou de sa nouvelle colocataire, laissant sa peau frémir. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas joué ainsi, avec le désir, l'attirance. En réalité, elle s'était vite lassée de tout ça il y a quelques mois mais la nouveauté venait de faire revenir ses mauvaises habitudes au galop. On lui avait déjà dit plusieurs fois que c'était mal de jouer ainsi avec les autres. Que parfois, ça pouvait les blesser puisqu'ils attendaient beaucoup plus de choses. Mais Ebisu n'avait jamais fait fi de ces avertissements. D'autant plus qu'aucun de ses jeux ne s'étaient mal terminés, alors pourquoi maintenant ?

Elle se redressa, plongeant son regard dans celui de sa camarade, avant de se mordre sensuellement la lèvre, poussant le jeu encore un peu plus loin. Une autre idée lui vint à l'esprit et l'excitation monta d'un cran, la trouvant parfaitement au goût du jour. Elle était d'humeur très joueuse. C'est donc sans aucune gêne que sa main vint de poser sur la cuisse de l'autre Spicoise avant d'y glisser de long en large, savourant la douceur de sa peau et ses réactions. Et aussi vite qu'elle avait commencé, elle coupa tout contact et s'éloigna d'elle, retournant s'adosser au bureau. Un sourire entendu sur les lèvres, elle jubilait.

« - Mais restons sages, ce serait bête que tu changes encore de chambre à cause d'un "petit accident". »

Bien sûr, ses paroles étaient lourdes de sous entendus et avaient uniquement pour but de tester Setsuna. C'était ce qu'il y avait de meilleur dans ce genre de jeu. Décidément, la jeune fille aux cheveux roses n'aurait jamais imaginé s'amuser autant aujourd'hui. Et pourtant, elle avait déjà vécu une journée plus intéressante que celle-là il y a quelques jours. Pourquoi y pensait-elle ?